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Traitement de l’obésité : les traitements « off-label » gagneront-ils la course ?

Pour les tarificateurs d’assurance-vie, la prescription d’un médicament pour traiter une pathologie pour laquelle il n’est pas destiné (off label) est souvent complexe. En effet, lorsque de nouveaux médicaments arrivent sur le marché, leur utilisation récente peut poser des questions quant à l’impact et aux effets à long terme, ce qui peut compliquer l’étude du dossier d’un proposant. C’est notamment le cas pour la nouvelle classe de médicaments utilisés pour la perte de poids.

Dans cet article, Prajakt Mahajan, Head of Underwriting Services & Solutions, US Life, nous fait part de ses réflexions issues de la table ronde « The Battle of the Bulge » lors de la conférence annuelle du Metropolitan Underwriting Discussion Group organisée à New York.

Qu’est-il important de savoir lorsque l’on parle de perte de poids et de tarification ?

L’obésité est depuis longtemps associée à une mortalité accrue. Un indice de masse corporelle (IMC) élevé entraîne d’autres complications de santé, notamment l’hypertension, le diabète, l’hypercholestérolémie et l’apnée du sommeil, entre autres, qui peuvent avoir un impact supplémentaire sur le profil de risque d’un candidat.

La société a traditionnellement mis l’accent sur la perte de poids par l’exercice, l’amélioration des régimes alimentaires, l’intervention chirurgicale et les médicaments sur ordonnance en dernier recours. Les développements récents en matière de médicaments amaigrissants ont montré une efficacité accrue avec une prise moins fréquente et moins d’effets secondaires.

Quels ont été les principaux axes de la table ronde ?

En matière de souscription d’assurance-vie, l’évaluation des cas impliquant ces nouveaux médicaments comporte de nombreuses considérations et incertitudes. Au cours de la discussion, nous nous sommes concentrés sur plusieurs points clés liés à la popularité croissante des médicaments amaigrissants, notamment :

  • Limitation des risques
  • Efficacité
  • Durabilité et prix abordable
  • Approche de la souscription

Quels sont les médicaments disponibles aux Etats-Unis mentionnés au cours de la table ronde ?

Depuis le milieu des années 1990, plusieurs médicaments différents sont disponibles pour traiter la perte de poids. Ces médicaments plus anciens se sont révélés moins efficaces pour traiter l’obésité et présentaient des risques sanitaires importants. Le tableau ci-dessous donne un bref aperçu de leurs points forts et de leurs limites.

  Nom générique (Marque) Année de l’approbation par la FDA / EMA Mécanisme  Effets indésirables a Contre-indications b
  Orlistat (Xenical, Alli) FDA 1999
EMA 1998
Inhibiteur de la lipase gastrique et pancréatique Fuite anale, douleur abdominale, flatulence avec écoulement, urgence fécale, stéatorrhée, incontinence fécale, défécation accrue Patients présentant un syndrome de malabsorption chronique ou une cholestase, grossesse
  Phentermine/ Topiramate (Qsymia) FDA 2012 Agoniste de la NE/agoniste du GABA, antagoniste du glutamate Elévation du rythme cardiaque, troubles de l’humeur et du sommeil, troubles cognitifs, acidose métabolique, paresthésie, sécheresse buccale Glaucome, hyperthyroïdie, pendant ou dans les 14 jours suivant l’administration d’inhibiteurs de la monoamine oxydase, hypersensibilité aux amines sympathomimétiques, grossesse.
  Naltrexone/ Bupropion (Contrave/ Mysimba) FDA 2014
EMA 2015
Antagoniste des récepteurs opioïdes/inhibiteur de la recapture de l’AD et de la NE Nausées, constipation, maux de tête, vomissements, vertiges, insomnie, sécheresse buccale, diarrhée, troubles du sommeil. Utilisation chronique d’opioïdes, sevrage aigu d’opioïdes, hypertension non contrôlée, troubles convulsifs, boulimie ou anorexie mentale, arrêt brutal de l’alcool, des benzodiazépines, des barbituriques et des anticonvulsivants ; utilisation concomitante d’IMAO, patient recevant du linézolide ou du bleu de méthylène IV, grossesse.
  Liraglutide (Saxenda) FDA 2014
EMA 2015
Analogue du GLP-1  Augmentation du rythme cardiaque, hypoglycémie, constipation, diarrhée, nausées, vomissements, maux de tête. Antécédents personnels ou familiaux de carcinome médullaire de la thyroïde ou atteints de syndrome de néoplasie endocrinienne multiple de type 2, grossesse.
  Semaglutide (Wegovy) FDA 2021
EMA 2021
Analogue du GLP-1 Nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales, constipation, maux de tête. Antécédents personnels ou familiaux de carcinome médullaire de la thyroïde ou atteints de syndrome de néoplasie endocrinienne multiple de type 2, grossesse.
  Setmelanotide (Imcivree) FDA 2020
EMA 2021
Agoniste MC4R Réactions au point d’injection, hyperpigmentation, nausées, maux de tête, diarrhée, vomissements, douleurs abdominales. Aucune
  Tirzepatidecc En cours d’examen par la FDA Double agoniste GIP/GLP-1 Nausées, diarrhée, diminution de l’appétit, vomissements, constipation, dyspepsie et douleurs abdominales. Antécédents personnels ou familiaux de carcinome médullaire de la thyroïde ou de syndrome de néoplasie endocrinienne multiple de type 2, hypersensibilité grave connue au tirzépatide ou à l’un des excipients.

Tableau 1: Médicaments contre l’obésité: approbation, mécanismes, effets indésirables et contre-indications.¹ Abréviations: DA, dopamine; EMA, Agencace Européenne des Médicaments; FDA, Food and Drug Administration (Agence fédérale américaine des produits alimentaire et médicamenteux); GABA, acide gamma-aminobutyrique; GI, gastro-intestinal; GIP, peptide insulinotrope dépendant du glucose; GLP-1, glucagon-like peptide1; IV, intraveineux; MAOIs, inhibiteurs de monoamine oxydase; MC4R: récepteur 4 de la mélanocortine; NE, norepinephrine. Les effets indésirables présentés ici sont ceux présents dans plus de 10% de la population (source FDA). Les contre-indications proviennent de a brochure de la FDA. En cours d’approbation par la FDA. 

Ces dernières années, on a découvert que les médicaments agonistes GLP-1 (Glucagon-like peptide-1), traditionnellement utilisés pour traiter le diabète, présentaient des avantages significatifs pour la perte de poids. Des médicaments comme Ozempic et Mounjaro, prescrits à l’origine pour le traitement du diabète, se sont révélés capables d’augmenter la satiété, ce qui entraîne une diminution de la prise alimentaire et une perte de poids globale.

Au fil du temps, les avantages de ces médicaments ont conduit à l’introduction sur le marché de produits plus récents et plus avancés, Wegovy et Zepbound, qui ciblent spécifiquement l’obésité. Grâce à une prise plus pratique et à leur efficacité pour la perte de poids, nous avons constaté une augmentation significative de l’utilisation des agonistes du GLP-1. Voir la figure 1.

Figure 1 : Taux d’incidence de tous les agonistes du GLP-1. Source : Milliman IntelliScript  2023.

Quelles ont été les principales conclusions de la discussion ?

La popularité croissante de ce type de traitement remet en question la manière dont nous avons traditionnellement abordé l’obésité. Avons-nous trop médicalisé la gestion de l’obésité, compte tenu des connaissances en matière d’exercices physiques et de régimes alimentaires ?

Bien qu’il ait été démontré que les agonistes du GLP-1 contribuent à une perte de poids significative, plusieurs questions subsistent quant aux effets à long terme et à l’accessibilité. On ne sait toujours pas quel type de perte de poids se produit et dans quelle mesure elle sera durable. Les patients perdent-ils de la masse grasse ou de la masse maigre ?  Pendant combien de temps devront-ils rester sous traitement ? Des études récentes ont montré que lorsque les patients arrêtent le traitement, ils reprennent 70 % du poids qu’ils ont perdu au cours de l’année écoulée.[2]

Contrairement aux précédents médicaments pour la perte de poids existants sur le marché, les agonistes du GLP-1 sont plus chers.

Ces médicaments étant plus facilement disponibles, on peut se demander si la réadaptation à l’effort physique n’est pas passée en second plan ; nous devrions considérer ces médicaments comme une aide et non comme un remède ou une prévention.

Comment ces informations influencent-elles l’approche des assureurs vie en matière de souscription et de couverture ?

Comprendre les préjugés

Il est important de vérifier les préjugés et les perceptions, car les approches peuvent différer. Si ces médicaments sont destinés à la perte de poids, les tarificateurs doivent prendre en compte les facteurs liés à l’utilisation et aux risques de ces médicaments, notamment évaluer les effets secondaires potentiels, les antécédents de problèmes thyroïdiens, de cancer ou d’idées suicidaires, ainsi que le risque accru de pancréatite.

Considérations relatives à la souscription

Réfléchissez aux risques et aux complications qui surviennent si l’obésité n’est pas traitée, et envisagez où se situerait le demandeur en termes de classification des risques s’il n’avait pas pris de médicaments.

Les tarificateurs doivent évaluer la motivation de la perte de poids, est-elle un véritable changement de mode de vie ou simplement une solution rapide ? Que se passe-t-il si le proposant arrête le traitement et qu’il reprend du poids ? Les règles de tarification restent-elles les mêmes dans ce cas ?

Conclusion

Lorsque nous examinons les médicaments amaigrissants du point de vue de la tarification, nous devons continuer à adopter une approche globale et à réfléchir de manière critique aux implications plus larges de ces médicaments dans le contexte de la gestion de l’obésité et des stratégies de santé globales.

Alors que nous naviguons dans le domaine en constante évolution des traitements médicaux, il est essentiel d’aborder ces discussions avec une perspective équilibrée, en donnant la priorité à la sécurité des patients et à la prise de décision en connaissance de cause. Compte tenu de la popularité croissante de ce sujet et de l’utilisation de ces médicaments, nous continuerons à nous tenir informés pour nous assurer que nous fournissons les meilleurs services à nos clients.

Contributeur

Prajakt Mahajan, responsable des services et solutions de souscription, US Life

Les opinions exprimées sont uniquement celles de l’auteur. Cet article est destiné à des fins d’information générale, d’éducation et de discussion uniquement. Il ne constitue pas un conseil juridique ou professionnel et ne reflète pas nécessairement, en tout ou en partie, la position, l’opinion ou le point de vue de PartnerRe ou de ses filiales.

[1] “Pharmacotherapy of obesity: an update on the available medications and drugs under investigation”, Marlene Chakhtoura, Rachelle Haber, Malak Ghezzawi, Caline Rhaydem, Raya Tcheroyan and Christos Mantzoros, available at: https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S2589-5370%2823%2900059-7. ©2023 TheAuthors.PublishedbyElsevierLtd.  

[2] https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2812936?resultClick=1

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