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Une nouvelle ère pour la gestion du diabète

Des progrès considérables ont été réalisés depuis notre dernier article sur le diabète – notamment l’arrivée de nouveaux médicaments qui entraînent un changement de paradigme dans la gestion de cette maladie. Le Dr Emoke Posan, Chief Medical Officer, Life North America, possède une grande expertise tant sur le plan médical que dans le domaine de l’assurance-vie. Elle répond ici aux questions clés sur les dernières tendances et évolutions, en mettant l’accent sur le diabète de type 2.

Quelle est la tendance de la prévalence du diabète ? La pandémie Covid a-t-elle eu un impact sur cette tendance ?

Au cours des dernières décennies, on a assisté à l’émergence d’une « épidémie jumelle » d’obésité et de diabète de type 2 (DT2).26 Puis est apparu le Covid-19. L’interaction complète entre le diabète et le Covid est complexe et multifactorielle. 23,38 Cependant, il existe quelques points clés.

De nouvelles études montrent que la prévalence mondiale du DT2 a augmenté à un rythme plus rapide au cours des deux dernières années. Le risque de développer un DT2 augmente après une infection par le SRAS-CoV-2, voire quelques mois après. (Cf. figure 1). On sait maintenant que ce risque accru de développer un DT2 est lié à la fois à l’impact de la pandémie sur la sédentarité (3 heures supplémentaires assis en moyenne par jour) et aussi directement à l’infection par le SRAS-CoV-2 (risque majoré en fonction de la gravité de la maladie). Il est donc proposé de procéder à un dépistage actif du diabète après la guérison du Covid. 23,36,38,43,45

Le risque que l’infection au SRAS-CoV-2 puisse déclencher un diabète de type 1 (DT1) chez les enfants et les jeunes reste incertain. 38,45

Figure 1 : Incidence du diabète nouvellement diagnostiqué après un diagnostic de Covid-19, par rapport à une infection respiratoire aiguë. Le Covid-19 augmente le risque de développer un diabète de type 2. Source : Rathmann et al (2022).36

Chez les non diabétiques le fait d’être infecté par le covid génèrerai plus de risque de développer un diabète. Parallèlement les diabétiques auraient plus de risque de développer un covid de forme sévère. 23,38

Les nouveaux médicaments sont un nouvel élément clé associé à l’HbA1C pour le contrôle du glucose et la protection des organes.

Si l’on exclut les interactions Covid-diabète, quelle est l’évolution de la mortalité et de la morbidité liées au diabète ?

La tendance générale est positive, grâce à la gestion efficace des complications vasculaires du diabète. Cependant, les complications non vasculaires sont de plus en plus reconnues et remettent en cause cette tendance positive. L’hétérogénéité des patients risque également d’influencer les tendances futures.33,42

Les complications traditionnelles – une tendance à l’amélioration

Les complications micro et macrovasculaires du diabète et leurs conséquences en termes de morbidité et de mortalité sont bien connues. La principale cause de mortalité liée au diabète a toujours été l’atteinte vasculaire (en particulier l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral et la maladie rénale).3,20,21 L’une des principales causes d’hospitalisation liée au diabète est l’insuffisance cardiaque (avec ou sans maladie coronarienne).9,14

Conformément aux nombreux progrès réalisés dans la gestion du diabète, la tendance générale actuelle de la mortalité s’améliore. Celle-ci, est principalement attribuée à la réduction des complications vasculaires. 33,42 (figure 2a et 2b).

Figure 2 : Taux d’hospitalisation des patients diabétiques en raison de complications traditionnelles spécifiques du diabète (2a, 2b), y compris les complications vasculaires, et d’autres complications non traditionnelles du diabète (2c). Alors que les taux de complications traditionnelles (principalement vasculaires) ont diminué, les taux de complications non traditionnelles ont augmenté. Source : Pearson-Stuttard J. et al.33

En termes de tendance future, on sait également que les complications vasculaires commencent généralement à se développer des années avant le diagnostic du diabète, avec des phases « cachées » d’obésité et d’intolérance au glucose.7 Cela conduit à demander davantage de dépistage du pré- diabète pour une intervention précoce.17 En mettant l’accent sur la perte de poids (afin d’interrompre ou de prévenir les dommages vasculaires) on peut même espérer ralentir la progression vers le DT2. Les perspectives sont également positives en ce qui concerne la prévention et le ralentissement de la progression des lésions vasculaires après un diagnostic de diabète. Le dépistage et l’intervention seront donc des facteurs majeurs pour réduire la prévalence, la mortalité et la morbidité du diabète.

Alors que la tendance des complications traditionnelles s’améliore, de nouveaux aspects moins connus de la mortalité et de la morbidité sont récemment apparus.

 Complications non traditionnelles – une importance croissante

Tout d’abord, une proportion importante de la mortalité et de la morbidité du diabète est liée à des complications non traditionnelles. Ces complications sont souvent méconnues et/ou sous-estimées. 20

Le diabète est désormais associé à un risque accru de divers cancers, en particulier les cancers spécifiques aux femmes et les cancers gastro-intestinaux. La démence, les maladies infectieuses, la pneumonie et les infections du pied et du rein sont également apparues comme des complications. Parmi les autres complications courantes, citons la stéatose hépatique non alcoolique, les anomalies cognitives, les troubles obstructifs du sommeil (apnée du sommeil) et de l’humeur et la dépression. 42

Figure 3 : Principales complications traditionnelles et complications émergentes non traditionnelles du diabète sucré de type 2 (DT2). Source : Tomic D. et al. 2022.42

Il existe également un certain nombre de complications cardiaques souvent méconnues 3,6,14,16,18,24,28,41, notamment :

  • La cardiomyopathie diabétique* (avec ou sans insuffisance cardiaque)
  • Neuropathie autonome cardiaque
  • Fibrillation auriculaire
  • Arythmies ventriculaires
  • La mort subite d’origine cardiaque.

Contrairement à la tendance baissière des complications traditionnelles du diabète, les complications non traditionnelles augmentent en prévalence et représentent une part plus importante de la mortalité et de la morbidité. (Figure 2c).33

En effet le cancer et la démence en tant que principales causes de mortalité du diabète, sont désormais majoritaires dans certaines zones géographiques.42

 Hétérogénéité des patients

Des études ont montré que le risque de diabète, les complications et la progression de la maladie présentent une hétérogénéité significative selon les patients, ce qui entraîne également une hétérogénéité dans les réponses aux médicaments. 32

Il en ressort que la gestion du diabète devra à terme évoluer pour prendre en compte l’hétérogénéité des patients, c’est-à-dire inclure la médecine de précision, afin de contribuer à réduire tous les risques de mortalité et de morbidité.17,32

Le concept de contrôle optimal de la glycémie évolue-t-il ?

Oui, le contrôle du glucose est l’un des principaux domaines dans lesquels la gestion du diabète progresse.

Jusqu’à récemment, l’objectif clinique du diabète (mais aussi le critère majeur dans la tarification) était centré sur l’HbA1C (glycémie moyenne sur 2-3 mois), et plus précisément sur sa réduction.

Bien que le marqueur HbA1C soit bien corrélé au risque d’événements cardiovasculaires 35,37, un diabète bien géré n’induit pas systématiquement l’absence d’événements cardiovasculaires indésirables.

Par ailleurs les contrôles intensifs de la glycémie ont été associés à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire.1,19,25,35

Des études récentes incluant de nouvelles classes de médicaments innovants, ont indiqué que l’orientation clinique (et la tarification) doit maintenant changer.

Les « nouveaux médicaments » sont un nouvel élément clé associé à l’HbA1C pour le contrôle de la glycémie et la protection des organes.

Concernant l’approche du contrôle du glucose, ce n’est pas seulement l’hyperglycémie et l’hypoglycémie mais aussi la variabilité anormale du glucose et les variations soudaines de la glycémie qui sont préjudiciables aux patients diabétiques. 11,12,13,16,18,24

Par conséquent, afin d’améliorer la mortalité et la morbidité liées au diabète, le concept de contrôle optimal de la glycémie évolue pour stabiliser également les taux de glucose à court et à long terme. Ceci grâce à de nouvelles classes de médicaments et à une surveillance plus régulière des taux de glucose (les nouvelles technologies étant le partenaire idéal pour cela). Le marqueur HbA1C reste important mais ne doit plus être le seul marqueur du contrôle glycémique.11,12

Pour une plongée concise et approfondie du Dr Emoke Posan dans l’évolution du contrôle optimal du glucose, consultez l’article de PartnerRe 2022 :

Une nouvelle ère pour le contrôle de la glycémie des diabétiques 

Nous parlons de nouvelles classes de médicaments innovants pour le DT2. Quelles sont-elles et quels sont leurs avantages ?

À l’occasion du centenaire de la découverte de l’insuline, de nouvelles classes de médicaments sont susceptibles de révolutionner la prise en charge du DT2 de multiples façons, notamment en tant qu' »intervention précoce » lorsque nous avons abordé les tendances en matière de mortalité et de morbidité.

Deux de ces classes, les agonistes du GLP-1 et les inhibiteurs du SGLT2, ne sont pas entièrement nouvelles. Elles ont été qualifiées ainsi car leurs impacts sur la morbidité et la mortalité n’ont été confirmés que ces dernières années.

En plus d’aider à stabiliser les niveaux de glucose, ces médicaments sont généralement connus pour réduire la mortalité cardiovasculaire dans les groupes à haut risque.8,47,48

Fait important, leur avantage sur le plan de la morbidité et de la mortalité est encore plus marqué dans le cas de la maladie rénale chronique 4,5,30,34,40 et de l’insuffisance cardiaque 4,27,30,46 (pour cette dernière les inhibiteurs du SGLT2 seulement), et ce, indépendamment de la maladie cardiovasculaire athérosclérotique 3,30.

En outre, le bénéfice pour les diabétiques dépasse les attentes basées sur l’amélioration du taux d’HbA1C 3 ce qui indique que les médicaments influencent plus que le simple taux d’HbA1C.

Ils sont également très efficaces pour réduire la mortalité chez les non-diabétiques. 3,5,30

Ces nouvelles classes de médicaments sont désormais intégrées aux préconisations pour le diabète, pour l’insuffisance cardiaque et les maladies rénales chroniques non diabétiques : Les inhibiteurs du SGLT2 sont désormais un élément crucial du traitement de base de l’insuffisance cardiaque ; ces derniers additionnés aux agonistes du GLP-1 sont, quant à eux, des éléments de la prise en charge de la maladie rénale chronique.

Au vu du lien étroit entre l’obésité et le diabète, ces classes sont également très efficaces pour favoriser la perte de poids, en particulier les agonistes du GLP-1.

On rapporte également des effets positifs sur la fibrillation auriculaire 6, la tension artérielle et le profil lipidique.10

De surcroit l’association de ces deux traitements présentent des avantages complémentaires.10

Ces dernières années, une autre nouvelle classe de médicaments antidiabétiques, les twincrétins, a été développée 15,22,31,39, 44 et est également approuvée pour la gestion du poids en cas d’obésité.49 Les twincrétins permettent un contrôle glycémique encore meilleur et une réduction de poids substantielle et durable (figure 4).

Figure 4 : Perte de poids de patients atteints de DT2 au fil du temps grâce à un nouveau médicament agoniste du GLP1 (le sémaglutide) et à un médicament encore plus récent, la twincrétin (le tirzépatide). Les deux sont des médicaments puissants pour la perte de poids, les twincrétins obtenant les plus fortes réductions. Source : Frías J.P et al. 2021.22

En complément les chercheurs continuent de travailler à la découverte de nouvelles classes de médicaments.

Quid de la pharmacothérapie dans la prise en charge du DT2 ?

Il ne s’agit plus seulement de se concentrer sur un objectif de HbA1C, mais également d’assurer la protection de plusieurs organes. Atteindre et maintenir une valeur cible de HbA1C reste important, et cela se fera désormais plus efficacement, en évitant les fluctuations importantes et soudaines du taux de glucose.

Il existe désormais deux grandes étapes de la pharmacothérapie :

  1. Les trois premiers mois. Tenter d’atteindre une valeur cible de HbA1C (actuellement, le plus souvent via le médicament Metformine).
  2. Au-delà des trois premiers mois. Le taux d’HbA1C cible est maintenu. La sélection des nouveaux médicaments a alors lieu, indépendamment des valeurs de HbA1C. Cette sélection est basée sur des preuves/catégories de risque. Si les dépistages déterminent que le risque d’atteinte d’un organe est élevé ou qu’elle est déjà établie, il convient d’utiliser les nouveaux médicaments et, pour maximiser les avantages, de les administrer le plus tôt possible.2,3

Dans ce contexte, l’impact du mode de vie est-il toujours important ?

Absolument, les modifications du mode de vie et la prise en charge de tous les autres facteurs de risque connus, restent des éléments essentiels de la prévention et de la prise en charge des complications du diabète. 2,3,29

Comme nous l’avons mentionné plus haut, le dépistage et l’intervention précoce deviennent de plus en plus importants, tant avant qu’après le diagnostic de diabète. Le facteur de risque essentiel du DT2 qu’est l’obésité peut être influencé positivement par les nouvelles classes de médicaments réducteurs de poids, en particulier par les agonistes du GLP-1 15, 22, 31, 44 et la twincrétin. 15, 31, 39, 49

En rassemblant toutes ces avancées, nous pouvons prévoir l’émergence de nouvelles solutions pour les assureurs ?

 La prise en charge du DT2 devient plus complète et personnalisée. La prescription de ces nouveaux médicaments (selon le profil de chaque patient) et la surveillance quotidienne des taux de glucose, sont désormais utilisées parallèlement au marqueur HbA1C. Ceci dans le but d’améliorer le risque de mortalité et de morbidité lié au diabète.

La prévention et le dépistage du pré-diabète avec la recherche d’une perte de poids significative viseront à prévenir les dommages causés pendant la phase initiale, longue et silencieuse de l’hyperglycémie. Le dépistage des lésions organiques dans les groupes à haut risque et une intervention précoce permettront de prévenir ou de ralentir leur progression.  Dans certains groupes spécifiques, une perte de poids significative peut même conduire à une rémission.

Enfin, le fait de savoir que l’infection par le SRAS-CoV-2 accroît le risque de développer un diabète ; risque qui augmente avec la gravité du Covid ; suggère qu’il serait bénéfique d’envisager un dépistage actif du diabète après une guérison du Covid.

Une fois qu’ils seront pleinement établis dans la pratique clinique, les perspectives des patients diabétiques devraient s’améliorer considérablement. En outre, de nouvelles classes de médicaments ont une efficacité qui va au-delà du diabète. Ensemble, ces développements ouvrent de nouvelles possibilités de solutions pour les produits d’assurance-vie.

Pour nous contacter

Vos contacts habituels chez PartnerRe seront heureux de vous présenter ces nouveautés ainsi que l’ensemble de l’offre de services liés à la sélection médicale afin de vous aider à développer des produits de type risques aggravés. N’hésitez pas à les contacter.

Gilles Thivant, Directeur du Marché Français, Vie et Santé, EMELA

 

Manuel de tarification médicale de PartnerRe

Disponible pour nos clients, PAR, le Manuel de tarification médicale de PartnerRe propose aux tarificateurs médicaux des conditions d’acceptation des risques basées sur l’expertise la plus récente.

Contributeur :

Dr Emoke Posan, médecin en chef, Life Amérique du Nord

 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteurs.  Cet article est destiné à des fins d’information générale, d’éducation et de discussion uniquement. Il ne constitue pas un conseil juridique ou professionnel et ne reflète pas nécessairement, en tout ou en partie, la position, l’opinion ou le point de vue de PartnerRe ou de ses affiliés.

 

Notes

* : Défini par la présence d’une dysfonction myocardique en l’absence d’ASCVD (Atherosclerotic cardiovascular disease) manifeste, de valvulopathie et d’autres facteurs de risque cardiovasculaires classiques, tels que l’hypertension et la dyslipidémie.

Références

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